L’assurance au cœur de la stratégie d’adaptation climatique du PNACC-3

Lancé en mars dernier par le Ministère de la Transition écologique, le troisième Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC-3) s’inscrit dans la continuité des deux premiers plans : le PNACC-1 de 2011, qui avait constitué une première étape en identifiant les principaux secteurs vulnérables et en lançant des actions d’adaptation sectorielles et le PNACC-2 de 2018, qui avait intégré la logique d’anticipation face à l’aggravation des risques. Ce troisième plan marque cependant un tournant majeur dans la manière dont la France se prépare aux impacts du changement climatique : la trajectoire de réchauffement à +4 °C d’ici 2100 n’est plus considérée comme extrême ou marginale, mais devient le cadre de référence pour planifier l’adaptation du territoire aux effets du dérèglement climatique.

C’est dans ce contexte que ce plan d’adaptation regroupe 52 mesures nationales stratégiques, destinées à renforcer la résilience de l’économie française face aux périls climatiques : inondations, sécheresse, feux de forêt, submersions, etc. Pour les acteurs de l’assurance, cette orientation implique de profondes évolutions dans la manière d’évaluer les risques, d’allouer les ressources et d’accompagner les assurés face à l’émergence de ces risques. Une transformation des modèles assurantiels de gestion des risques apparait comme nécessaire compte tenu de la remise en question des approches traditionnelles, souvent fondées sur des données passées, devenues trop peu représentatives des événements climatiques attendus au cours des prochaines décennies. Avec ce nouveau paradigme, les assureurs se positionnent comme des acteurs de la résilience climatique, par leur capacité à structurer les données de vulnérabilité, à informer les assurés sur les risques qu’ils portent et à les accompagner pour s’en prémunir par leurs actions de prévention.

Cette adaptation au changement climatique ne doit cependant pas reposer uniquement sur le travail des assureurs, elle appelle une réponse systémique : (ré)assureurs, État, collectivités, régulateurs, assurés, et cabinets de conseil doivent co-construire des référentiels centralisés, mutualiser les données, standardiser les outils et favoriser l’innovation par la complémentarité de leur portée et expertise. Cela pourrait notamment passer par la contribution des assureurs au montage, ou à l’enrichissement, d’une plateforme commune visant à diffuser une information personnalisée aux particuliers sur les aides publiques existantes, les solutions de financement, ainsi que les travaux de prévention ou de remédiation adaptés à leur situation. Ce type de dispositif permettrait de faciliter l’action collective, tout en renforçant l’accessibilité et l’efficacité des politiques d’adaptation.

Des leviers concrets pour structurer l’adaptation du secteur de l’assurance

Parmi les mesures prises par le ministère de la transition écologique, plusieurs concernent directement le secteur de l’assurance, traçant les contours d’un nouveau cadre d’action, dans lequel l’assurance se trouve appelée à jouer un rôle moteur et pivot, à la croisée des dynamiques économiques, territoriales et climatiques :

Mieux cartographier les expositions aux risques climatiques

La mise à disposition de données climatiques consolidées, accessibles à l’échelle territoriale, ouvre la voie à une nouvelle génération d’outils de pilotage assurantiel. Ce support permettra de renforcer la lecture des expositions par péril et par zone, mais aussi d’intégrer ces données dans les processus stratégiques tels que la tarification, l’allocation du capital ou encore la production des rapports extra-financier. Cette territorialisation du risque, offrant une maille d’analyse plus fine, est un levier déterminant pour réconcilier vision globale prospective et arbitrages opérationnels, bien souvent soumis aux différentes spécificités du territoire.

Renforcer le Fonds Barnier

Le besoin de renforcement du Fonds Barnier est acté, en cohérence avec les préconisations du rapport Lavarde, publié l’an dernier, qui avait pour objectif de soutenir les mécanismes locaux de prévention des risques climatiques. Pour rappel, le fond Barnier, aussi appelé Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM), est un dispositif public créé en 1995 pour financer la prévention des risques naturels majeurs, tels que les inondations ou les glissements de terrain. Jusqu'en 2021, il était alimenté par un prélèvement de 12 % sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d'assurance habitation et automobile. Depuis 2021, son financement, intégré au budget de l'État, avait suscité des critiques de la part des assureurs, de pars l’insuffisance de sa portée sur certains périls comme le retrait-gonflement des argiles ainsi que par son manque de prise en compte de l’aggravation des sinistres climatiques au cours de ces dernières années. L’une des mesures du PNACC-3 est de renforcer les moyens du fonds Barnier de plus de 30 %, le portant pour la première fois à 300 millions d’euros.

Créer un observatoire de l’assurance des catastrophes naturelles

Dans le cadre de la modernisation du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, le projet de création d’un « observatoire de l’assurance des risques climatiques » a été lancé en avril 2024. L’objectif de ce groupe est de renforcer la transparence sur l’évolution des pratiques assurantielles au niveau national et dans les zones les plus exposées. Ce groupe remettra chaque année un rapport aux ministres chargés de l’économie et de la transition écologique visant à informer les pouvoirs publics sur les évolutions de l’offre assurantielle, en France hexagonale et ultra-marine, dans le but d’identifier les risques et d’orienter les politiques publiques d’adaptation. Cet observatoire renforcera ainsi la transparence et aidera les assureurs à adapter leurs offres aux évolutions des risques climatiques, les encourageant à maintenir des solutions accessibles, même dans les zones les plus exposées, dans le but d’assurer une couverture mutualisée des risques climatiques. A titre d’exemple, au cœur des périls ainsi surveillés, figure le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA ou Subsidence), déjà bien connu des assureurs par la difficulté d’appréhension de ce risque émergent.

Accompagner les assurés dans la compréhension du risque

Le plan d’adaptation souligne également l’importance d’impliquer les assureurs dans la sensibilisation des assurés, en développant des services d’accompagnement personnalisés, des dispositifs pédagogiques, et une meilleure accessibilité aux outils d’aide à l’adaptation. Plus qu’un enjeu de communication, il s’agit de construire une véritable culture du risque et de faire de la prévention un réflexe partagé.

Nous sommes convaincus que la réponse à l’ensemble de ces objectifs de transformation passe d’abord par l’accès à un outillage stratégique clair.

Pour les décideurs, il s’agit par exemple de visualiser, comparer et anticiper les expositions. C’est dans cette optique que Nexialog a notamment lancé un projet de cartographie des expositions climatiques, combinant données environnementales, et expertise assurantielle. Cette initiative vise à éclairer les choix stratégiques de nos clients et faire face aux défis du changement climatique.

AUTEUR

Leo LOVISOLO Nexialog Consulting - Article PNACC 3

Léo LOVISOLO

Consultant Senior Sustainability