Calibrage de la Probabilité de Défaut (PD) en IFRS 9
Comprendre la Probabilité de Défaut (PD) en IFRS 9
La norme IFRS 9 a profondément transformé l’approche de la gestion du risque de crédit en introduisant une vision prospective du risque et en intégrant des scénarios économiques futurs dans le calcul des pertes attendues (ECL).
Parmi les paramètres clés, la Probabilité de Défaut (PD) occupe une place centrale : elle doit être à la fois Point-in-Time (PIT), prospective, et cohérente avec les données historiques et le cycle économique.
1. Une définition harmonisée du défaut
La PD IFRS 9 repose sur la Nouvelle Définition du Défaut (NDoD) issue du cadre réglementaire européen (CRR / CRR 3).
Un emprunteur est considéré en défaut dès lors que :
La banque estime qu’il est improbable qu’il honore ses obligations sans recourir à des mesures de recouvrement ;
Ou un arriéré significatif est constaté depuis plus de 90 jours.
Deux seuils complètent cette règle :
Un seuil absolu : 100 € (retail) ou 500 € (corporate) ;
Un seuil relatif : 1 % du total des expositions du débiteur.
Le défaut entraîne la mise en défaut de l’ensemble des engagements du débiteur (“contagion interne”) et un retour à un statut sain n’est possible qu’après une période probatoire minimale.
2. Segmentation et modèles de scoring
Pour garantir une estimation pertinente du risque, les expositions sont regroupées en Classes Homogènes de Risque (CHR), dérivées des modèles de scoring internes.
Ces modèles :
Capturent les comportements de défaut grâce à des données historiques ;
Alimentent les matrices de migration utilisées pour calculer les PD à 12 mois ;
Permettent la standardisation du traitement d’expositions similaires.
Cette segmentation constitue un fondement indispensable pour produire des PD robustes et comparables.
3. Méthodes de calibration de la PD
Trois grandes approches sont couramment utilisées :
Transformation des PD TTC en PD PIT
À partir des PD Through-The-Cycle (TTC), un ajustement cyclique fondé sur des variables macroéconomiques permet de produire une PD PIT sensible à la conjoncture.
Modèle structurel de type Merton-Vasicek
Méthode largement utilisée en IFRS 9, elle relie explicitement la PD au cycle du risque de crédit grâce :
à un facteur systémique (état de l’économie),
et un facteur idiosyncratique (risque propre à l’emprunteur).
C’est la base des approches Markov/Merton pour projeter des PD Forward-Looking.
Approche économétrique directe
Régression logistique, probit ou modèle de durée (type Cox) permettant d’estimer directement une PD PIT à partir de données historiques et de variables macroéconomiques.
4. Construction des matrices de migration
Les matrices de migration décrivent la probabilité qu’une classe de risque évolue vers une autre — ou vers le défaut — sur un horizon donné (trimestriel ou annuel).
Elles permettent de :
Mesurer les taux de défaut à 12 mois ;
Construire la matrice TTC en agrégeant l’historique disponible ;
Produire les matrices PIT ajustées au cycle.
Une fois les matrices PIT ajustées, elles servent de support aux structures par terme des PD (PD Term Structures), indispensables pour évaluer la PD sur plusieurs années, notamment en cas de SICR.
5. Intégration du Forward-Looking
L’intégration du Forward-Looking est une exigence forte d’IFRS 9.
Elle repose sur :
La modélisation du lien entre les taux de défaut historiques et les variables macroéconomiques (PIB, chômage, emploi…).
La projection des taux de défaut sous différents scénarios économiques : central, adverse, optimiste et extrême
La transformation des taux de défaut projetés en facteurs économiques (Z) via le modèle Vasicek.
L’ajustement des matrices TTC pour générer des matrices PIT Forward-Looking propres à chaque scénario.
La construction des PD Term Structures en cumulant les matrices projetées sur plusieurs années.
Cette approche assure une cohérence complète entre les données historiques, les modèles internes et les scénarios macroéconomiques à venir.
Conclusion
Le calibrage IFRS 9 de la Probabilité de Défaut est un processus complexe qui combine :
l’analyse statistique,
la théorie financière (Merton-Vasicek),
la modélisation macroéconomique,
et une forte exigence de gouvernance (documentation, validation, backtesting).
Une méthodologie rigoureuse permet d’obtenir des PD robustes, stables et pleinement conformes au référentiel IFRS 9, tout en capturant fidèlement la sensibilité du portefeuille au cycle économique.


