Titrisation : vers un assouplissement de la réglementation européenne
Assouplissement de la réglementation européenne sur la titrisation
La titrisation est un mécanisme facilitant le financement des entreprises (PME, ETI et grands groupes) et des ménages. Elle permet aux banques prêteuses de sortir des créances de leur bilan et aux investisseurs comme les assureurs de mieux diversifier leurs portefeuilles. L’UE s’est distinguée par la réforme de ce secteur depuis la crise de 2008 dans laquelle la titrisation a joué un rôle majeur. L’UE cherche encore dans ce domaine un équilibre entre protectionnisme réglementaire et compétitivité économique.
Depuis la dernière mise à jour en 2019 du cadre réglementaire européen sur les titrisations, la Commission européenne a constaté que plusieurs aspects des règles existantes faisaient obstacle au développement et à l'attractivité du marché européen. Les critères de titrisation STS [1] (pour simples, transparentes et standardisées) se sont avérés être stricts et ont
mobilisé les différents acteurs du marché en vue d’un changement ; la Commission a donc réfléchi à de nouvelles règles plus efficientes dans une proposition d’amendement des règlements existants [2].
En Europe, la titrisation représente une part marginale des sources de financement : fin 2023, elle pesait seulement 0,4 % du bilan des banques de l’UE tandis que 60 % des financements provenaient des dépôts et 5 % des dettes sécurisées. Ce projet d’amendement devrait faciliter l’utilisation de la titrisation.
Mesures ciblées pour réduire les coûts opérationnels élevés
La Commission propose d’alléger les coûts opérationnels pour les émetteurs et les investisseurs dans le domaine de la titrisation, sans compromettre la transparence du marché, la protection des investisseurs et la qualité des données nécessaires à la supervision. Pour les investisseurs, les exigences actuelles de diligence, souvent perçues comme redondantes ou trop prescriptives, seraient simplifiées, notamment par :
Cependant, les exigences de vérification continueraient de s’appliquer aux titrisations hors UE ou émanant d’entités non supervisées dans l’UE, car les autorités européennes ne peuvent y exercer leur pouvoir de supervision.
Pour les émetteurs, les coûts seraient réduits par une rationalisation du cadre de transparence :
La Commission estime que les modifications proposées pour les exigences en matière de due diligence et de transparence devraient permettre au marché européen de la titrisation d’économiser 310 M€ de coûts administratifs par an, pour un coût d’implémentation unique de 33 M€ auquel s’ajouterait 7 M€ annuels pour les transactions privées.
Allègements prudentiels pour les banques
Le rapport de la Commission introduit des modifications ciblées du CRR (règlement sur les exigences de fonds propres) et de l’acte délégué sur le LCR (ratio de liquidité à court terme). Il vise à réduire les écarts injustifiés entre les méthodes internes (SEC-IRBA) et standardisées (SEC-SA) de calcul des fonds propres et à encourager la participation des banques de taille moyenne sur le marché de la titrisation. Pour cela, deux leviers sont ciblés :
Les réductions des exigences de fonds propres visent prioritairement les tranches seniors où les risques sont moindres, les positions d’originateur moins sensibles aux biais de modèle ou de conflit d’agence, ainsi que les titrisations STS qui répondent déjà à des normes élevées.
Cette approche exclut explicitement tout allègement des exigences pour les tranches risquées ou les titrisations non STS, afin de rester cohérent avec l’objectif de transférer le risque vers des entités capables de les supporter. Concernant les tranches subordonnées, en 2024, plus de 70 banques ont émis des titrisations avec SRT (Significant Risk Transfer) [**], nombre qui devrait donc lui aussi croître significativement.
Allègements prudentiels pour les assureurs
L’objectif défini par la Commission est d’améliorer la sensibilité au risque et de supprimer les obstacles prudentiels à l’investissement dans les tranches les plus seniors des titrisations non-STS. Les exigences en capital pour les tranches senior pourraient être réduites jusqu’à un facteur de 5 selon la notation de crédit. La Commission estime que l’allègement total en capital pour les assureurs en tant qu’investisseurs serait de 5,9 milliards d’euros, montant qui pourrait alors être réinvesti en titrisation.
Impact sur les PME
Bien que les PME soient peu impliquées directement en titrisation, l’amélioration de la mesure de la sensibilité aux risques des tranches seniors ainsi que la baisse des coûts opérationnels proposées devraient avoir un effet positif en renforçant la capacité de prêt des banques et en facilitant leur accès à un financement diversifié et compétitif. Malgré quelques inquiétudes sur une dépendance accrue au crédit bancaire, l’initiative est jugée globalement favorable au financement des PME.
Impact sur la compétitivité de l’Union Européenne
La réforme améliorerait la compétitivité européenne en réduisant les charges de capital et de conformité, rapprochant le cadre réglementaire des standards internationaux. Elle créerait des conditions plus équitables pour les acteurs européens face à la concurrence mondiale, tout en rendant les produits de titrisation plus attractifs. Cette réforme libérerait des ressources bancaires pour financer davantage l’économie européenne et dynamiserait les canaux d’investissement, en particulier dans les secteurs prioritaires de l’innovation verte et du numérique. Nous devrions donc nous attendre à une relance du marché de la titrisation européenne par cet assouplissement du cadre prudentiel tout en conservant suffisamment de garde-fous pour garantir la stabilité financière
Glossaire pratique de la titrisation
[*] Le facteur (p) (pour pénalité) en titrisation européenne est un coefficient multiplicateur appliqué au ratio de capital exigé sur les tranches de titrisation non-STS. Le facteur (p) en titrisation est défini dans la réglementation européenne CRR [3]. Pour qu'une titrisation bénéficie du facteur (p) = 1, elle doit respecter les critères STS (simplicité des actifs sous-jacents, absence de tranches synthétiques, transparence sur les risques, structuration standardisée, etc.). Si la titrisation est non-STS, (p) varie entre 1 et 1,5 selon la méthode de calcul utilisée (SEC-SA, SEC-IRBA, etc.). Plus le facteur est élevé, plus l’exigence en capital est élevée et pénalise la rentabilité de la structure.
[**] La réglementation SRT, née avec Bâle II et renforcée par Bâle III, permet aux banques de transférer une part significative du risque de crédit à des investisseurs via la titrisation. Pour être reconnue, ce transfert doit respecter les critères suivants du règlement CRR :