S’adapter à +4°C : un bon réflexe, mais pas encore la bonne méthode
Le ministère de la Transition écologique a publié le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3). Ce document ambitieux trace, à l’horizon 2100, les grandes lignes de la stratégie française pour affronter les impacts désormais inéluctables du dérèglement climatique. Il marque une avancée indéniable dans la prise en compte du sujet, mais ce plan ne souffrirait-il pas encore de plusieurs impasses méthodologiques qui en limitent la portée ?
Un tournant assumé : penser l’impensable
Le premier mérite de ce plan est de regarder en face la possibilité d’un réchauffement global de +4°C, et d’engager la réflexion sur les conséquences systémiques qu’un tel scénario pourrait entraîner. C’est une rupture salutaire avec une approche trop longtemps centrée sur la seule atténuation, à une époque où les deux doivent désormais être combinés.
Le PNACC 3 adopte une approche holistique, en tentant d’embrasser la diversité des impacts attendus selon les secteurs économiques, les régions, les écosystèmes et les groupes démographiques. Il prend acte de la nécessité d’une déclinaison territoriale de l’adaptation, en confiant aux régions un rôle moteur dans la priorisation des actions. Cette régionalisation est essentielle pour donner corps à une stratégie trop souvent restée théorique.
Autre point notable : la perspective de l’intégration future de ce plan dans un cadre législatif. Cela permettrait de pérenniser l’effort d’adaptation dans le temps long, à l’image des lois de programmation budgétaire, et d’inscrire la résilience au cœur de la planification nationale.
Mais une architecture encore trop fragile
Malgré ces avancées, le PNACC 3 souffre de plusieurs failles structurantes. D’abord, pourquoi s’arrêter à un scénario unique à +4°C ? Cette hypothèse haute n’est ni la plus extrême, ni forcément la plus probable en l’absence d’une réduction drastique des émissions mondiales. Et pourquoi raisonner uniquement en termes de température, sans intégrer les autres variables critiques du système climatique ?
Ensuite, le plan d’adaptation semble découplé des efforts de transition. Ce cloisonnement ouvre la voie à un empilement de mesures d’adaptation incrémentales à courte vue (hauteur des digues, capacités des installations de stockage hydrique), potentiellement obsolètes au regard de trajectoires de transition encore incertaines. Comme le souligne le Haut Conseil pour le Climat, il est urgent de construire une cohérence d’ensemble : que les politiques d’atténuation et d’adaptation se parlent, s’éclairent mutuellement, s’ajustent.
La régionalisation, pour être efficace, doit aller au-delà du simple transfert de responsabilités. Elle suppose une gouvernance fondée sur la donnée, la transparence, la capacité à projeter et modéliser localement. L’assurance, acteur central du financement de la résilience, doit être mise à contribution pour guider les choix stratégiques et limiter les investissements dans des actifs à risque.
Enfin, plus dangereux peut-être, le plan semble négliger les effets croisés multiplicateurs : il est quasi-muet sur les projections de dynamiques socio-économiques et géopolitiques. Quelles seront les répercussions françaises d’un +4°C mondial sur les zones tropicales (hors DOM-TOM), et les tensions sur les flux migratoires, alimentaires, intellectuels et matériels que cela entraînera ? Les actions du PNACC sont-elles réellement cohérentes avec ce scénario du pire et du multidimensionnel ?
Pour aller plus loin, quelques pistes supplémentaires. Comment anticiper – aujourd’hui – les effets des tensions géopolitiques ? Comment articuler vieillissement démographique et intensification des épisodes caniculaires ? Où sont les boucles de rétroaction, ces mécanismes qui pourraient accélérer encore le réchauffement ?
Conclusion : un cadre à muscler
Le PNACC 3 ouvre une nouvelle étape, courageuse et nécessaire, dans la stratégie climatique de la France. Mais il reste à le consolider : sur le plan méthodologique, en le rendant plus systémique ; sur le plan stratégique, en le connectant aux politiques de transition ; sur le plan opérationnel, en outillant les territoires pour qu’ils deviennent les véritables architectes de la résilience. Car s’adapter, c’est avant tout s’adapter à plusieurs scénarios possibles et faire face à l’incertitude de notre siècle.